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Arrêt maladie et acquisition de congés payés : l’Etat condamné pour non-conformité au droit européen

CAA Versailles, 17 juillet 2023, n°22VE00442

  • Pour mémoire, en droit français, les arrêts maladie d’origine non-professionnelle ne permettent pas au salarié d’acquérir des congés payés. En effet, si certaines absences, comme les arrêts de travail d’origine professionnelle, sont assimilées à du temps de travail effectif par l’article L.3141-5 du Code du travail, pour l’acquisition des congés payés, tel n’est pas le cas des arrêts maladie d’origine non-professionnelle.
  • La Cour de Justice de l’Union Européenne a déjà sanctionné l’Etat français en raison de la non-conformité de notre droit national à l’article 7§1 de la directive européenne n°2003/88/CE, laquelle garantit à tous les salariés un minimum de quatre semaines de congés payés annuels, sans distinction entre les salariés en arrêt maladie et les salariés qui ont effectivement travaillé sur la période concernée et surtout, sans distinction selon l’origine de l’arrêt de travail (CJUE, 24 janv. 2012, n°C-282-10).
  • Pour autant, du fait de l’absence d’effet horizontal de la directive européenne, les salariés français ne peuvent aujourd’hui s’en prévaloir à l’encontre d’un employeur privé.

En effet, à défaut de transposition, le droit français leur demeure pleinement opposable, sans qu’ils ne puissent reprocher à leur employeur de s’en tenir à l’application du Code du travail français.

Par conséquent, la seule option qui leur demeure ouverte pour obtenir réparation du préjudice subi est d’engager la responsabilité de l’Etat français pour défaut de transposition.

  • C’est précisément l’action qui a été intentée par trois syndicats interprofessionnels dans cette affaire qui ont saisi le juge administratif sollicitant la condamnation de l’Etat français à leur verser la somme de 50.000 euros chacun en réparation du préjudice moral subi par les salariés dont ils défendent les intérêts.

Dans un arrêt du 17 juillet 2023, la CAA de Versailles fait partiellement droit à leur demande et sanctionne le défaut de conformité du droit français au droit européen.

En effet, la CAA rappelle que :

  • L’article 7§1 de la directive n°2003/88/CE fait obstacle à ce que les États limitent unilatéralement le droit au congé annuel payé conféré à chaque travailleur, en appliquant une condition d’ouverture de ce droit qui aurait pour effet d’exclure certains travailleurs du bénéfice de ce dernier.
  • Il en est ainsi de l’article L.3141-5 du Code du travail, lequel opère une distinction entre les périodes de suspension du contrat de travail selon leur origine.
  • Ainsi, les restrictions introduites par cet article sont incompatibles avec l’article 7§1 de la directive européenne.

La CAA en conclut que :

  • L’article 7§1 de la directive n°2003/88/CE n’a pas été totalement transposée par les dispositions législatives du Code du travail, qui laisse ou a laissé subsister des dispositions incompatibles.
  • Un tel retard de transposition est susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat en réparation du préjudice moral subi de ce fait par les salariés que représentent les organisations syndicales requérantes.

Elle condamne ainsi l’Etat à indemniser chaque organisation syndicale à hauteur de 10.000 euros en raison du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession qu’elle représente.

En pratique :

  • Cette décision n’est pas à elle seule de nature à modifier l’état du droit français applicable et les pratiques des entreprises. Par conséquent, il y a toujours lieu de considérer que les périodes d’arrêt maladie d’origine non-professionnelle ne donnent pas lieu à acquisition de jours de congés payés.
  • Néanmoins, il est possible que cette décision incite le gouvernement à transposer la directive et à modifier l’article L.3141-5 du Code du travail. C’est d’ailleurs ce que préconise la Cour de cassation depuis 2013, dans ses rapports annuels.

Affaire à suivre donc…